Mémoire 01 2017

Récemment, le CAPVISH a déposé un mémoire au Secrétariat aux aînés du ministère de la Famille. Ce document a pour objectif de commenter et apporter des pistes de solutions dans le cadre du processus de consultation de l’élaboration du plan d’action 2018-2023 de la politique Vieillir et vivre ensemble du gouvernement du Québec.

Présentation de l’organisme

Le CAPVISH est un organisme communautaire ayant pour mission de favoriser la participation citoyenne des personnes en situation de handicap. Bien implanté dans son milieu depuis 1979, le CAPVISH œuvre quotidiennement auprès des citoyens handicapés habitant le territoire de la Capitale-Nationale. Un important constat ressort de la plupart de nos interventions : la nécessité d’avoir des programmes et services mieux adaptés à la réalité des citoyens que nous représentons. Nous œuvrons quotidiennement pour améliorer la situation sociale des personnes handicapées habitant sur le territoire de la Capitale-Nationale. Il va sans dire que plusieurs d’entre elles sont actuellement des personnes âgées ou vivent couramment des problématiques reliées à cette réalité. C’est pourquoi le sujet du vieillissement, tel qu’abordé dans le présent processus de consultation, nous interpelle particulièrement.

L’augmentation fulgurante du nombre de personnes âgées dans un futur pas si lointain engendre des effets que l’on pourrait qualifier de dévastateurs pour la santé de la communauté québécoise. Il va de soi qu’avec le vieillissement accru de la population, la proportion d’individus utilisant une aide à la mobilité (canne, déambulateur, fauteuil roulant) augmentera également. Certains enjeux prioritaires en lien avec le vieillissement actif se retrouvent également dans la communauté des personnes handicapées. Nous parlons ici de concept tel le maintien à domicile, la participation citoyenne, l’accès à la vie économique et sociale, etc.

Introduction

Le phénomène du vieillissement de la population québécoise est un fait indéniable. Aujourd’hui, tant le gouvernement que la société civile doivent trouver des solutions qui satisferont à la fois les usagers et l’État.

Selon les prévisions du gouvernement du Québec, la croissance moyenne de la population de 65 ans et plus sera de l’ordre de 3,1 % pour la période de 2013 à 2030, à savoir que cette tranche de population représentera près du quart de la population québécoise d’ici 2030. Pour la tranche d’âge de 75 ans et plus, on s’attend à ce que son nombre double d’ici 2030, ce qui constituera une représentation de 12,3 % de la population totale du Québec.

Considérant cette masse importante de personnes qui devra bénéficier de soutien et de soins en lien avec son environnement de vie ainsi que pour leur propre personne, les acteurs œuvrant dans ce secteur d’activité doivent, de manière concertée, s’assurer de répondre à la demande des citoyens, et ce, par l’entremise de services de qualité étant adaptés aux besoins réels des milieux ayant tous leur propre réalité. Chose certaine, l’offre de tels services pour ce créneau spécifique de population vieillissante constitue déjà un défi important pour le gouvernement du Québec. Sachant que les dépenses publiques en santé par habitant s’accélèrent à partir de 75 ans, c’est maintenant qu’il faut se doter d’outils et de fournisseurs de services qui sauront répondre à la demande du nombre tout en maximisant la qualité des services.

Dans toutes les sphères de la vie sociale, les personnes aînées ont leur place. Toutefois, les stéréotypes et les préjugés tels que l’âgisme constituent un frein réel à leur participation. Elles ont aussi leur part quotidienne de frustration relativement aux difficultés de se trouver un emploi ou de dénicher un logement accessible. Dans certains milieux, ces préjugés mènent à des pratiques discriminatoires qui ont pour effet d’altérer la valeur accordée à l’expérience et à l’expertise des aînés ou à des personnes vivant des situations de handicap. Cette absence de reconnaissance sociale se traduit par une intériorisation, de la part de ces dernières, de leur statut de personne fragile et inutile à la société, ainsi que par une baisse de l’estime de soi, deux phénomènes qui conduisent à l’isolement et au «décrochage» de toutes formes d’implication dans la société.

L’exclusion est un processus dynamique par lequel une personne est totalement ou partiellement éliminée de l’un ou l’autre des systèmes social, économique, politique et culturel qui déterminent son intégration dans la société. Les personnes aînées à mobilité réduite risquent l’exclusion dans les dimensions identitaires (rôles de parents, de travailleurs), sociale (perte du réseau de collègues) et économique. Le cumul de plusieurs facteurs peut rendre ces personnes vulnérables, par exemple le fait que les enfants ont quitté la maison familiale, qu’eux-mêmes n’ont plus leur rôle au travail, qu’ils font face à la maladie, ou encore que leurs revenus sont amoindris puisque les employeurs boudent les personnes à mobilité réduite. La mise en place de mesures visant à contrer l’exclusion de ces personnes et à faciliter leur inclusion contribue non seulement à réduire les obstacles, mais aussi à aménager des environnements favorables afin de créer une société véritablement inclusive pour tous les âges.

Il y a maintenant un peu plus de cinq ans, le gouvernement du Québec lançait la politique gouvernementale Vieillir et vivre ensemble, chez soi, dans sa communauté, au Québec et entamait la mise en œuvre de son plan d’action 2012-2017 avec la collaboration de plusieurs partenaires. Nous croyons que les résultats des mesures inscrites dans ce plan témoignent de la volonté d’agir de nombreux acteurs de la société civile en vue d’adapter les programmes, les structures et les services au phénomène du vieillissement de la population.

Retour sur les thèmes de discussion

Nous sommes d’avis que les autorités compétentes doivent s’engager à entreprendre des démarches permettant de répondre aux besoins des personnes vulnérables. Parmi les thèmes suggérés, ceux faisant partie de la première orientation nous interpelle particulièrement.

Orientation 1 : Favoriser la participation des personnes aînées à la société

La participation citoyenne des ainés à mobilité réduite est au cœur la mission de notre organisme. Notre expérience terrain nous permet de comprendre l’importance de favoriser l’engagement social des ainés utilisant une aide à la mobilité.

Dans cette optique, la quatrième question nous interpelle particulièrement :

Selon vous, quelles sont les approches qui devraient être favorisées pour que les personnes aînées isolées et en situation de vulnérabilité puissent vivre régulièrement des interactions sociales valorisantes?

Dans cette question, une partie de la phrase est particulièrement frappante : «les personnes ainées et isolées et en situation de vulnérabilité». À la lumière de cet énoncé, il va de soi que des moyens doivent être mis de l’avant afin de briser l’isolement des ainés et particulièrement ceux à mobilité réduite. Il est important de mentionner que les ainés se déplaçant avec une aide à la mobilité sont davantage susceptibles de vivre dans un état de précarité et de vulnérabilité.

La principale barrière pour les ainés à mobilité réduite est l’isolement. Que faire pour briser l’isolement? Notons en premier lieu l’importance accordée au sentiment de sécurité relativement à l’environnement. On fait ici référence à un milieu de vie accessible dans lequel les services sont à proximité. En premier lieu, les problèmes en lien avec l’accessibilité ne devraient pas être une source de tracas. Un ainé utilisant une aide à mobilité (fauteuil roulant, déambulateur, canne, etc.) n’a pas à se soucier du nombre de marches pour accéder à son logement ou encore de l’état des trottoirs environnants. Le cheminement est un élément déterminant particulièrement important pour les ainés à mobilité réduite et contribue directement au sentiment de sécurité ressenti.

Ensuite, la proximité des services est un élément à prendre en compte afin de favoriser la participation sociale. En effet, il est prioritaire d’avoir facilement accès à des services de base comme la nourriture et les soins de santé à la pharmacie. En ayant la possibilité de se procurer aisément les items nécessaires au bien-être, la personne ainée à mobilité réduite aura l’occasion de briser l’isolement dans lequel ces gens se trouvent malgré eux.

Le transport adapté est un élément central afin de favoriser la participation sociale des ainés à mobilité réduite. Les différents services de transport adapté au Québec vivent des problèmes opérationnels depuis plusieurs années. En effet, ceux-ci peuvent difficilement combler l’augmentation de la clientèle causée par le phénomène du vieillissement de la population. Le sous-financement de l’état en lien avec le transport adapté en est la principale cause. Les conséquences de cet état de fait se font ressentir quotidiennement par les utilisateurs de ce service. En fait, ceux-ci doivent évoluer au quotidien avec de nombreux problèmes : retard de plus en plus long, délais de réservation qui s’éternise, difficulté accrue d’obtenir les heures de transport demandées, etc. Comment peut-on inciter les ainés à mobilité réduite à prendre plus de place dans la société alors que leur principal moyen de transport est ainsi négligé?

Nos préoccupations :

 Accessibilité et sentiment de sécurité du milieu de vie
 La proximité des services essentiels
 L’état du financement du transport adapté

Orientation 2 : Permettre aux personnes aînées de bien vieillir en santé dans leur communauté

Comment faire en sorte que les personnes ainées à mobilité réduite se sentent plus soutenues à la fois dans leur domicile et dans leur collectivité? Des solutions existent… Peut-être devons-nous les trouver tous ensemble?

Dès lors, voici une question qui nous interpelle le plus dans ce troisième thème :

Quels moyens pourraient permettre d’améliorer la concertation des partenaires pour les services de soutien à domicile offerts aux personnes aînées dans les communautés?

D’importantes lacunes se font sentir dans les efforts de communication en lien avec le maintien et le soutien à domicile. Premièrement, un important travail de sensibilisation doit être fait. Le milieu communautaire doit être mieux informé par les instances gouvernementales à propos de l’état actuel et des prévisions concernant le maintien à domicile chez les personnes ainées en fauteuil roulant. En étant davantage consulté, les intervenants communautaires pourront mieux communiquer entre eux, mieux se tenir. Ainsi, ensemble, il sera possible de mieux développer des stratégies pour le soutien à domicile.

Le service BRAD (Banque de référence pour l’aide à domicile) est un volet très important de notre organisme. Par ce service, nous faisons plus de 150 jumelages annuellement entre les préposés et les bénéficiaires de soins à domicile. Comme organisation, il est de notre devoir de toujours être en mode solutions afin d’offrir le meilleur service possible aux ainés à mobilité réduite qui requièrent des soins à domicile. Malheureusement, nous devons nous buter aux limites imposées par le gouvernement du Québec. Il y a peu de temps, le Protecteur du citoyen émettait un communiqué pour faire état de la diminution des soins à domicile au Québec. Pour une cinquième année consécutive, le Protecteur du citoyen dénonce la nonchalance du gouvernement dans le but de soutenir les plus vulnérables de la société. Il s’agit d’un constat accablant qui freine notre envie d’offrir le service le plus efficient possible. Au final, ce sont les ainés à mobilité réduite qui écopent…

Nos préoccupations :

 Valorisation du métier de préposé en donnant plus de qualité de vie au travail
 Communication entre les partenaires gouvernementaux
 Communication entre les organismes communautaires
 État des soins à domicile au Québec
 Investissement en soin à domicile

Orientation 3 : Créer des environnements sains, sécuritaires et accueillants

En raison du vieillissement accru, une proportion non-négligeable de la population sera susceptible d’utiliser une aide à la mobilité. Afin de s’assurer que les ainés à mobilité réduite vivent dans un environnement sain et de manière autonome, il est nécessaire de mettre de l’avant une offre de logements davantage adaptée à leur situation.

En ce sens, voici deux questions pour lesquels nous jugeons importants d’apporter des éléments de réponses :
Selon vous, quels moyens devraient être employés pour sensibiliser les promoteurs afin qu’ils privilégient la construction de logements adaptés et adaptables au vieillissement, ce qui inclut l’accès à des services de proximité?

Les instances gouvernementales doivent développer des mesures plus claires en ce qui a trait à l’offre des logements accessibles. Dans le discours destiné aux promoteurs d’édifice, il est nécessaire d’éliminer les zones grises et ainsi mettre de l’avant des propos punitifs pour ceux qui ne respectent pas la règlementation en vigueur. Actuellement, les promoteurs ne sont pas soumis à des mesures coercitives ou incitatives concernant l’offre de logements adaptés et adaptables. Dans la même veine, les promoteurs ne sont pas dans l’obligation de rendre leurs commerces accessibles aux ainés à mobilité réduite. Pourtant, on devrait forcer, voir même pénaliser, ceux qui ne se conforment pas aux obligations de s’adapter. Une solution serait d’imposer des amendes pour les récalcitrants ou avoir des programmes municipaux ou provinciaux qui favoriseraient l’accessibilité accompagné de financement adéquat.

À titre d’exemple, plusieurs promoteurs interdisent l’utilisation des quadriporteurs dans leurs logements. Pourtant, il s’agit d’un type d’AMM (Aide à la mobilité motorisée) préconisée par les personnes âgées pour se déplacer. Pourquoi alors ne pas les tolérer? Tant et aussi longtemps qu’il n’y a pas de normes en place pour obliger ce genre d’accommodations, les promoteurs ne respecteront pas la réalité des ainés à mobilité réduite et ne seront pas tenus de le faire.

En termes d’adaptation des logements, quels moyens devraient être privilégiés pour répondre aux besoins des personnes aînées qui ont des limitations fonctionnelles ou sont en perte d’autonomie?

Il y a un travail monstre à faire au niveau de la sensibilisation. Il est malheureusement fréquent que la différence entre un logement «accessible» et un logement «adapté» ne soit pas comprise. En effet, un logement peut être accessible sans nécessairement être adapté. Un logement accessible présente des adaptations de base (largeur des portes, accès à l’entrée, etc.) sans pour autant que les accommodations soient personnalisées à la situation de chacun. Pourtant, il est bénéfique pour la personne âgée à mobilité réduite d’habiter dans un logement adéquat et sécuritaire. Après tout, le meilleur intervenant pour savoir ce qui est le mieux pour améliorer sa qualité de vie est la personne elle-même, car adapter un logement c’est aussi le personnaliser.

Notre recommandation est que tous les immeubles soient à tout le moins accessibles et que les propriétaires soient ouverts à l’adaptation. En effet, il y a plusieurs types de handicap différent. Un locataire en fauteuil roulant manuel n’a pas les mêmes besoins qu’une personne utilisant un fauteuil roulant électrique ou une marchette. Les commodités personnalisées dans un logement, de type cas par cas, permettent à la personne ainée à mobilité réduite de vivre dans un environnement adéquat, sécuritaire et ce, de longue durée.

Nos préoccupations :

 Sensibilisation efficace des promoteurs immobiliers
 Sensibilisation en lien avec l’acceptation ou l’ouverture à l’adaptation du logement

Conclusion

Avec le vieillissement de la population, le bien-être des personnes âgées devient une préoccupation majeure non seulement pour les membres de la famille mais pour tout le monde en tant que société. Familles, proches et professionnels, nous devons tous être attentifs et unis pour vaincre l’isolement des personnes âgées.

Enfin, il ne faut pas oublier que lutter contre l’isolement, c’est prévenir l’exclusion, la pauvreté, la perte d’autonomie et la détresse psychologique et émotive que peuvent vivre les personnes âgées de votre entourage. Chacun doit faire sa part pour contribuer au mieux-être de nos aînés, améliorer leur qualité de vie, favoriser leur autonomie et mettre de l’avant des mesures permettant de contrer la solitude et l’isolement.