Qui de mieux placé que Lucie Léveillé pour comprendre la profession de préposé à domicile. Avec un bagage d’expérience de plus de 20 ans, Lucie est dans une très bonne position pour nous parler des défis et obstacles en lien avec l’exercice de ce métier. C’est d’autant plus vrai pour les employés à domicile qui sont rémunérés par le chèque emploi-service (CES). Bien que ce soit un métier passionnant, les conditions du CES rendent l’emploi précaire. Pourquoi ne pas prendre les choses en main et tenter d’améliorer le sort de ces aidants? C’est dans cette optique qu’une idée s’est mise à germer dans la tête de Lucie…
Pour Lucie Léveillé, parler de son métier n’est pas difficile. Les soins à la personne, plus spécifiquement les soins à domicile, elle les connait comme le fond de sa poche. Cette dernière a touché à tout : préposée en milieu institutionnel, auxiliaire familiale dans des foyers pour les personnes lourdement handicapées… Par contre, ce qu’elle préfère le plus, c’est de se rendre chez les gens : «travailler au domicile est un charme, car le contact y est beaucoup plus humain et personnalisé qu’en milieu hospitalier par exemple». Plus souvent qu’autrement, Lucie est rémunérée par le chèque emploi-service (CES). Premier constat : les conditions du programme sont loin d’être optimales. Avec le temps, la situation ne semble pas changer : « Les conditions du CES ne vont pas en s’améliorant ». Force est de constater qu’elle a raison…
Le Chèque emploi-service (CES) est une modalité de paiement par laquelle les préposés à domicile sont rémunérés. L’employeur, qui est la personne handicapée, a droit à des heures qui lui sont allouées par le CLSC afin de répondre à son plan de service.
Des conditions difficiles
Saviez-vous que, dans les débuts de Lucie vers la fin des années 80, le taux horaire du CES tournait autour de 8,30$? Le premier réflexe est de se dire que ça n’avait pas de bon sens que les préposés soient payés 8,30$ de l’heure. Cependant, il est important de mentionner que le salaire minimum, à cette époque, était de 4,55$ de l’heure. Donc ce n’est pas si mal 8,30$ malgré tout. Aujourd’hui le taux horaire du CES est de 13,32$. Pas mal, n’est-ce pas? Pas tant que ça en fait, car le salaire minimum sera de 11,25$ de l’heure à partir du 1er mai 2017. La différence est d’à peine 2$ de l’heure en 2017 alors qu’elle était de 4$ vers la fin des années 80. Le taux horaire du CES ne semble pas avoir suivi l’inflation du coût de la vie depuis une trentaine d’années. Pourquoi?
Une autre source d’incompréhension est au niveau de la reconnaissance des acquis. En effet, les salaires ne changent pas selon l’expérience et les compétences du préposé. Par exemple, le préposé avec 14 ans d’expérience ayant acquis son PDSB et son RCR va recevoir le même salaire qu’un employé débutant dans le milieu qui ne possède ni les compétences ni les expériences nécessaires pour desservir des soins d’hygiène. Pourtant, les études sur le marché du travail tendent à démontrer que deux des critères les plus valorisés dans la sélection d’un candidat sont les compétences et les expériences de travail. Pourquoi ce serait différent pour les travailleurs à domicile étant rémunérés par le CES?
Les conditions du travail en lui-même soulèvent également des questionnements. Le temps alloué pour les plans de services est souvent insuffisant. Ce qui a des conséquences pour la personne handicapée, certes, mais également pour le préposé. Le temps du plan de service est tellement serré que le préposé peut facilement travailler trop longtemps. Malheureusement, la ressource ne sera pas rémunérée pour le temps supplémentaire. Pour les préposés qui sont obligés d’œuvrer un grand nombre d’heures par semaine afin d’avoir une paye décente, travailler bénévolement de 20 à 30 minutes par jour fait mal au portefeuille.
Les travailleurs sont seuls au domicile de la personne et doivent tout faire. Il n’y a pas une équipe de spécialistes pour desservir les différents types de soin comme cela peut se faire en milieu institutionnel. À domicile, le préposé se charge de tout; des soins domestiques (repas, ménage) aux soins à la personne (soins d’hygiène et parfois même des actes médicaux). Inutile de dire que les tâches accomplies par le préposé sont d’une grande importance. Leur rôle d’intervenant de première ligne est prioritaire dans une équipe de soin. Pourquoi alors ne sont-ils pas mieux reconnus?
Une association en mode solution
Que faire pour changer les choses? Que faire afin que le métier de préposé à domicile soit mieux valorisé; en particulier pour ceux qui sont rémunérés par le CES? Ce sont des questions que Lucie s’est posée. Elle a compris qu’il n’y a que des avantages à se réunir afin de répondre à ces objectifs. Pourquoi ne pas tenter d’améliorer les conditions de cette modalité de paiement? À plusieurs, peut-être est-ce faisable? Une solution envisageable est de mettre sur pied un regroupement, une association pour mieux défendre les droits des travailleurs à domicile…
Lucie est la première à le reconnaitre : «seule, je n’y arriverai pas». Démarrer une association exige que des gens s’impliquent. Juste pour commencer les activités, il est nécessaire d’avoir un conseil d’administration ainsi que de mettre sur pied une assemblée générale annuelle (AGA). Ce processus demande une implication considérable de la part de gens dévoués. D’ailleurs, voici deux des principaux défis qui se présentent à Lucie dans l’élaboration de son projet :
1) Rejoindre les gens : trouver et transmettre des informations de qualité n’est pas si simple. Il faudra trouver des moyens efficaces de communiquer avec les préposés et, également, de les inciter à se parler entre eux.
2) Travailler en équipe : il est important que «tout le monde pédale dans le même sens». Autrement dit, il est important que les préposés impliqués travaillent ensemble afin de mieux valoriser l’emploi.
Ce projet peut rejoindre plusieurs personnes. Saviez-vous que, dans la grande région de Québec, il y a approximativement 1 200 000 heures en soutien à domicile de longues durées annuellement? Les préposés ne sont pas tous rémunérés par le CES. Cependant, ces derniers bénéficieraient d’une plus grande valorisation de leur emploi en se regroupant. Pour les gens qui souhaitent s’impliquer dans le projet de Lucie, voici l’adresse courriel pour la rejoindre : letr423@hotmail.com. Ne vous gênez pas pour vous impliquer, car les préposés ont des droits eux aussi!